Programme de philosophie en classe terminale des séries générales I - Présentation I.1 L’enseignement de la philosophie
en classes terminales a pour objectif de favoriser l’accès de chaque élève à
l’exercice réfléchi du jugement, et de lui offrir une culture philosophique
initiale. Ces deux finalités sont substantiellement unies. Une culture n’est
proprement philosophique que dans la mesure où elle se trouve constamment
investie dans la position des problèmes et dans l’essai méthodique de leurs
formulations et de leurs solutions possibles ; l’exercice du jugement n’a de
valeur que pour autant qu’il s’applique à des contenus déterminés et qu’il
est éclairé par les acquis de la culture. La culture philosophique à acquérir durant l’année de
terminale repose elle-même sur la formation scolaire antérieure, dont
l’enseignement de la philosophie mobilise de nombreux éléments, notamment
pour la maîtrise de l’expression et de l’argumentation, la culture littéraire
et artistique, les savoirs scientifiques et la connaissance de l’histoire.
Ouvert aux acquis des autres disciplines, cet enseignement vise dans
l’ensemble de ses démarches à développer chez les élèves l’aptitude à
l’analyse, le goût des notions exactes et le sens de la responsabilité
intellectuelle. Il contribue ainsi à former des esprits autonomes, avertis de
la complexité du réel et capables de mettre en œuvre une conscience critique
du monde contemporain. Dispensé durant une seule année, à la fin du cycle
secondaire, et sanctionné par les épreuves d’un examen national,
l’enseignement de la philosophie en classes terminales présente un caractère
élémentaire qui exclut par principe une visée encyclopédique. Il ne saurait
être question d’examiner dans l’espace d’une année scolaire tous les
problèmes philosophiques que l’on peut légitimement poser, ou qui se posent
de quelque manière à chaque homme sur lui-même, sur le monde, sur la société,
etc. Il ne peut pas non plus s’agir de parcourir toutes les étapes de
l’histoire de la philosophie, ni de répertorier toutes les orientations
doctrinales qui s’y sont élaborées. Il convient donc d’indiquer clairement à
la fois les thèmes sur lesquels porte l’enseignement et les compétences que
les élèves doivent acquérir pour maîtriser et exploiter ce qu’ils ont appris.
Le programme délimite ainsi le champ d’étude commun aux élèves de chaque
série.
La liste des notions et celle des auteurs ne proposent
pas un champ indéterminé de sujets de débats ouverts et extensibles à
volonté. Elles n’imposent pas non plus un inventaire supposé complet de
thèmes d’étude que l’élève pourrait maîtriser du dehors par l’acquisition de
connaissances spéciales, soit en histoire de la philosophie, soit en tout
autre domaine du savoir. Elles déterminent un cadre pour l’apprentissage de
la réflexion philosophique, fondé sur l’acquisition de connaissances
rationnelles et l’appropriation du sens des textes. II.1 Notions et repères Le choix d’un nombre restreint de notions n’a d’autre
principe que d’identifier les plus communes et les mieux partagées. Les
notions retenues doivent constituer un ensemble suffisamment cohérent et
homogène pour que leur traitement fasse toujours ressortir leurs liens
organiques de dépendance et d’association. En outre, la spécification des
listes de notions propres au programme de chaque série tient compte non
seulement de l’horaire dévolu à l’enseignement de la philosophie, mais aussi
des connaissances acquises par les élèves dans les autres disciplines. Enfin,
l’intelligence et le traitement des problèmes que les notions permettent de
poser doivent être guidés par un certain nombre de repères explicites. II.1.1 Notions Dans toutes les séries, la liste des notions s’articule
à partir de cinq champs de problèmes, eux-mêmes désignés par des notions,
isolées ou couplées, qui orientent les directions fondamentales de la
recherche. Ces cinq notions ou couples de notions occupent la première
colonne des tableaux ci-après. La deuxième colonne présente les principales notions,
isolées ou couplées, dont le traitement permet de spécifier et de déterminer,
par les relations qu’il établit entre elles, les problèmes correspondant à
ces divers champs. Les notions figurant dans l’une et l’autre colonnes ne
constituent pas nécessairement, dans l’économie du cours élaboré par le professeur,
des têtes de chapitre. L’ordre dans lequel les notions sont abordées et leur
articulation avec l’étude des œuvres relèvent de la liberté philosophique et
de la responsabilité du professeur, pourvu que toutes soient examinées. Le
professeur mettra en évidence la complémentarité des traitements dont une
même notion aura pu être l’objet dans des moments distincts de son
enseignement. II.1.2 Repères L’étude méthodique des notions est précisée et enrichie
par des repères auxquels le professeur fait référence dans la conduite de son
enseignement. Il y a lieu de les formuler explicitement, pour en faciliter
l’appropriation par les élèves. Ceux dont l’usage est le plus constant et le
plus formateur sont répertoriés, par ordre alphabétique, sous chaque tableau. Chacun de ces repères présente deux caractéristiques :
il s’agit, d’une part, de distinctions lexicales opératoires en philosophie,
dont la reconnaissance précise est supposée par la pratique et la mise en
forme d’une pensée rigoureuse, et, d’autre part, de distinctions
conceptuelles accréditées dans la tradition et, à ce titre, constitutives
d’une culture philosophique élémentaire. Les distinctions ainsi spécifiées présentent un
caractère opératoire et, à des degrés variables, transversal, qui permet de
les mobiliser progressivement, en relation avec l’examen des notions et
l’étude des œuvres, ainsi que dans les divers exercices proposés aux élèves.
Par exemple, la distinction cause/fin peut être impliquée dans l’examen des
notions de vérité, d’histoire, de liberté, d’interprétation, de vivant, ou la
distinction idéal/réel peut intervenir dans celui des notions d’art, de
religion, de liberté, de bonheur, etc. C’est aussi pourquoi ces repères ne feront en aucun cas
l’objet d’un enseignement séparé ni ne constitueront des parties de cours ;
le professeur déterminera à quelles occasions et dans quels contextes il en
fera le mieux acquérir par les élèves l’usage pertinent, qui ne saurait se
réduire à un apprentissage mécanique de définitions. II.1.5 Série
scientifique
II.2 Auteurs L’étude d’œuvres des auteurs majeurs est un élément constitutif
de toute culture philosophique. Il ne s’agit pas, au travers d’un survol
historique, de recueillir une information factuelle sur des doctrines ou des
courants d’idées, mais bien d’enrichir la réflexion de l’élève sur les
problèmes philosophiques par une connaissance directe de leurs formulations
et de leurs développements les plus authentiques. C’est pourquoi le
professeur ne dissociera pas l’explication et le commentaire des textes du
traitement des notions figurant au programme. Dans tous les cas où plusieurs œuvres seront étudiées,
elles seront prises dans des périodes distinctes (la liste fait apparaître
trois périodes : l’Antiquité et le Moyen Âge, la période moderne, la période
contemporaine). Platon ; Aristote ; Épicure ; Lucrèce ; Sénèque ;
Cicéron ; Épictète ; Marc Aurèle ; Sextus Empiricus ; Plotin ;
Augustin ; Averroès ; Anselme ; Thomas d’Aquin ; Guillaume d’Ockham. Machiavel ; Montaigne ; Bacon ; Hobbes ; Descartes ;
Pascal ; Spinoza ; Locke ; Malebranche ; Leibniz ; Vico ; Berkeley ;
Condillac ; Montesquieu ; Hume ; Rousseau ; Diderot ; Kant. Hegel ; Schopenhauer ; Tocqueville ; Comte ; Cournot ;
Mill ; Kierkegaard ; Marx ; Nietzsche ; Freud ; Durkheim ; Husserl ; Bergson
; Alain ; Russell ; Bachelard ; Heidegger ; Wittgenstein ; Popper ; Sartre ;
Arendt ; Merleau-Ponty ; Levinas ; Foucault. III - Apprentissage de la réflexion
philosophique Les formes de discours écrit les plus appropriées pour
évaluer le travail des élèves en philosophie sont la dissertation et
l’explication de texte. La dissertation est l’étude méthodique et progressive
des diverses dimensions d’une question donnée. À partir d’une première
définition de l’intérêt de cette question et de la formulation du ou des
problèmes qui s’y trouvent impliqués, l’élève développe une analyse suivie et
cohérente correspondant à ces problèmes, analyse nourrie d’exemples et
mobilisant avec le discernement nécessaire les connaissances et les
instruments conceptuels à sa disposition. Dissertation et explication de texte sont deux exercices
complets, qui reposent d’abord sur l’acquisition d’un certain nombre de
normes générales du travail intellectuel, telles que l’obligation d’exprimer
ses idées sous la forme la plus simple et la plus nuancée possible, celle de
n’introduire que des termes dont on est en mesure de justifier l’emploi,
celle de préciser parmi les sens d’un mot celui qui est pertinent pour le
raisonnement que l’on conduit, etc. Les deux exercices permettent de former
et de vérifier l’aptitude de l’élève à utiliser les concepts élaborés et les
réflexions développées, ainsi qu’à transposer dans un travail philosophique
personnel et vivant les connaissances acquises par l’étude des notions et des
œuvres. La maîtrise des distinctions contenues dans la liste des repères
(II.1.2) aide l’élève à analyser et à comprendre les sujets et les textes
proposés à la réflexion et à construire un propos conceptuellement organisé. Les exigences associées à ces exercices, tels qu’ils
sont proposés et enseignés en classe terminale, ne portent donc ni sur des
règles purement formelles, ni sur la démonstration d’une culture et d’une
capacité intellectuelle hors de portée. Elles se ramènent aux conditions
élémentaires de la réflexion, et à la demande faite à l’élève d’assumer de
manière personnelle et entière la responsabilité de la construction et du
détail de son propos. Les capacités à mobiliser reposent largement sur les
acquis de la formation scolaire antérieure : elles consistent principalement
à introduire à un problème, à mener ou analyser un raisonnement, à apprécier
la valeur d’un argument, à exposer et discuter une thèse pertinente par
rapport à un problème bien défini, à rechercher un exemple illustrant un
concept ou une difficulté, à établir ou restituer une transition entre deux
idées, à élaborer une conclusion. Elles sont régulièrement développées et
vérifiées au cours de l’année scolaire, que ce soit sous forme écrite ou sous
forme orale, dans le cadre de devoirs complets ou d’exercices préparatoires
correspondant particulièrement à l’une ou l’autre d’entre elles. |